PROGRES ET
PROSPERITE ECONOMIQUE
La notion de Progrès,
née au XVI° siècle, débattue au XVII°, cristallisée à l’époque des Lumières, a
structuré la pensée philosophique, économique et sociale aux XIX° et XX°
siècles. Aux « progressistes »,
ou partisans du Progrès comme idéal historique,
se sont opposés les « réactionnaires » pour lesquels le
Progrès ne constitue qu’une décadence éloignant la société d’un âge d’or
mythique.
Au sens le plus large
du terme, le Progrès est un mouvement vers un « état de mieux être de
l’Humanité » et peut se résumer en une maxime : « Nos enfants
vivront mieux que nous ». Si, au cours du XIX° siècle et du début du XX°,
cette notion recouvre différentes dimensions, elle se restreint au début du
XXI° siècle à une dimension purement économique et consumériste, que recouvre
le vocable de « Prospérité ».
Mais la Prospérité,
horizon indépassable de nos sociétés, et la croissance économique, véhicule
chargé de nous en rapprocher, sont- elles conciliables avec les autres
dimensions du Progrès, et en particulier le progrès social ?
Du
Progrès à la Prospérité économique ou l’histoire d’une désillusion.
La deuxième moitié du
XX° siècle a été marquée par les désillusions des tenants du Progrès, sous des
différentes formes.
Le Progrès, phénomène
global, historique, linéaire, autoentretenu, inévitable, s’est peu à peu rétréci à « des progrès »
dans des domaines variés qui se regroupent souvent sous l’appellation plus
vague de « Modernité ».
Dans le domaine de l’économie,
le progrès n’est guère contesté et la période des Trente glorieuses est devenue
la référence incontournable des sociétés occidentales d’abord, de l’ensemble de
la planète à compter des années 1990.
Cependant, ce modèle
connait sa limite dans le dernier quart du XX° siècle. Le retour du chômage de
masse, des crises financières et des inégalités croissantes des revenus et du
patrimoine s’accompagne d’une mise en cause de la définition –jugée trop
restrictive – des notions de croissance et de développement. Enfin la
contestation écologique, s’appuyant sur l’évolution du climat, des ressources
naturelles et de la diversité biologique prend de l’ampleur.
Modernisation
économique contre progrès social ?
C’est dans ce contexte
qu’intervient le triomphe du modèle néo libéral, à partir des gouvernements
Thatcher et Reagan. Il devient dominant dans la pensée économique anglo-saxonne
d’abord, puis mondiale, dont il s’efforce d’éliminer toute contestation. C’est
cette théorie qui sous-tend la volonté de « moderniser » nos
économies.
Dans ce modèle, le
marché, notamment financier, et l’entreprise jouent un rôle central pour
retrouver la croissance. Les recettes pour atteindre la Prospérité sont
simples et se résument à la « libération des forces vives du
marché ». La mondialisation des marchés et des consommations est l’autre
pilier de la modernisation.
Ce modèle néo libéral
dominant connait quelques variantes en fonction des spécificités des pays
comme le montre l’analyse de différentes économies : USA, Royaume Uni,
zone euro, Allemagne, France, pays émergents.
Les conséquences
négatives de ce modèle sont aujourd’hui bien identifiées : croissance des
inégalités, pillage de la planète, instabilité financière. Ainsi la recherche
de la Prospérité se ferait au détriment des acquis sociaux, du moins dans les
pays les plus développés.
Pourtant, faut-il suivre Margaret Thatcher selon laquelle « There
is no alternative » (TINA) ? Quelques pistes sont esquissées par les
critiques du néolibéralisme. Le retour à un capitalisme de la régulation suppose
de règlementer les excès de la finance et de pratiquer, sur le marché du
travail la « flexisécurité ».
Pour d’autres (les objecteurs de croissance), il faut aller plus loin et donner
à la croissance un contenu radicalement différent (« La
décroissance »).
En
guise de conclusion
A l’heure où le
système économique dominant montre aujourd’hui ses limites qui menacent
l’existence même de l’humanité, faut-il abandonner définitivement la notion de
Progrès telle que conçue à l’époque des
Lumières ? Renoncer à la Modernité et ses progrès partiels et
localisés ? Ou « sauver le progrès » en redonnant un sens
positif à une évolution historique prenant mieux les besoins humains et
l’équilibre écologique de la Planète ?
Économiste