La fin du monde
est-elle pour demain ?
Le terme de
« collapsologie » est à la mode. Le livre de Pablo Servigne et de
Raphaël Stevens, paru en 2015,
« Comment tout peut s’effondrer » (sous-titré : « Petit manuel de collapsologie à l’usage des
générations présentes ») a popularisé le concept d’effondrement de nos
sociétés qui a fait l’objet de nombreux articles et reportages.
Peut-on réellement
penser « la fin du monde » ? De même que l’être humain imagine
difficilement sa propre mort, la société peut-elle imaginer sa propre
disparition ? C’est à cet exercice que les collapsologues nous invitent,
afin de mieux préparer le futur.
Afin d’introduire
le débat du café philo du 10 septembre autour de ce thème, nous rassemblerons,
dans un premier temps les signaux – de plus en plus forts- sur lesquels
s’appuient les penseurs de l’effondrement dont nous examinerons les thèses dans
un deuxième temps. Enfin, en guise de conclusion très provisoire, nous nous
demanderons quels sont les pistes d’action pour éviter la fin de notre monde,
sinon la fin du Monde.
L’idée d’une
« fin du monde » est sans doute aussi ancienne que la civilisation
(l’Apocalypse de Saint Jean, les mouvements millénaristes, la chute de l’Empire
romain, Paul Valéry, plus près de nous, la grande peur de la Bombe, le rapport du Club de Rome…) et exerce une
fascination sur l’esprit humain.
Cependant, il est
incontestable que des signaux
inquiétants se multiplient depuis le dernier quart du XX° siècle,
souvent liés entre eux et qui interagissent les uns sur les autres
(« boucles de rétroaction »).
¾
Accélération du
réchauffement climatique
¾
Extinction
rapide de nombreuses espèces
¾
Inquiétudes la question
de l’énergie, en raison notamment du dépassement du pic pétrolier
¾
Accroissement
de l’empreinte écologique par consommation des ressources naturelles :
terre cultivable, eau, forêt, poissons…
¾
Poursuite de
l’explosion démographique
¾
Aggravation de
l’instabilité et inégalités économiques
Que nous dit la collapsologie, « science » de l’effondrement ?
Le terme anglais
« to collapse » vient de l’analyse stratégique militaire (2ème
guerre mondiale, guerre du Vietnam). L’idée qu’une société peut s’effondrer est
ancienne (La Chute de l’Empire romain) mais s’appuie souvent sur des convictions
religieuses (le Jugement dernier). Les collapsologues sont le plus souvent des
scientifiques et appuient leurs thèses sur de très nombreux rapports d’experts.
·
L’effondrement a mis fin à de
nombreuses sociétés, comme le
montre l’anthropologue américain Jared Diamond dans son ouvrage « Effondrement ».
Trois cas sont
particulièrement intéressants, compte tenu des leçons qui peuvent en être
tirées : l’ile de Pâques, l’empire Maya, les Vikings du Groenland. Ils
montrent l’importance de l’exploitation des ressources naturelles dans la
survie d’une collectivité, mais également des relations avec d’autres groupes
humains et, surtout, du système de valeurs qui explique l’aveuglement dont ont
pu faire preuve ces sociétés.
·
Pour les collapsologues, la synthèse
des signaux négatifs évoqués en première partie débouche sur l’idée que
l’effondrement :
¾
est inévitable,
sauf à réussir une modification radicale de notre système de production et de
consommation, à court terme, ce qui ne parait guère envisageable (rapport du
GIEC)
¾
a déjà
commencé, comme l’indiquent l’émergence de conflits (Yémen, Rwanda), la
multiplication des catastrophes naturelles (Arctique, Amazonie, Bangladesh)
¾
peut conduire
non seulement à la fin de notre monde, mais également à la fin de l’humanité
(multiplication des conflits armés conduisant à une catastrophe nucléaire)
Ces thèses
rencontrent parfois une adhésion mais le plus souvent de l’incrédulité,
s’appuyant sur des arguments qui peuvent être résumés autour de deux
thèmes :
¾
Ce n’est pas la
première fois que l’on prédit la fin du monde
¾
L’ingéniosité
humaine trouvera bien une solution
Peut-on encore éviter l’effondrement ?
·
La
collapsologie ne se contente pas de prédire un effondrement, elle analyse
également les multiples raisons qui empêchent une action efficace:
¾
La différence
entre « savoir » et « croire » se traduit par une
incapacité à envisager l’avenir malgré des analyses scientifiques très robustes
¾
Les
conséquences de nos actes sur l’évolution de la planète sont lointaines et étalées
dans le temps
¾
Pour le
philosophe Gunther Anders la « spécularité des croyances et des
comportements » conduit les individus à n’agir qu’en fonction des
comportements des autres
¾
L’horizon des
acteurs (entreprises, gouvernements) est trop court et leurs intérêts
contradictoires avec un développement respectueux des ressources naturelles
¾
Le modèle de
développement est construit sur un pacte de croissance entre riches et pauvres :
réduction des inégalités grâce à l’augmentation du gâteau
·
Quelques pistes d’action sont
également présentes dans la littérature de l’effondrement :
¾
Actions
individuelles (trier ses déchets, économiser son énergie, modifier son mode de
vie…) pouvant aller jusqu’au « survivalisme »
¾
Création de
petites collectivités économes des ressources et autonomes
¾
Pression sur
les entreprises (dénonciation, boycott, etc.)
¾
Choix
politiques allant dans le sens d’un effondrement « maitrisé » plutôt
que conflictuel (transition douce)