Fiche
de problématique
La
croissance est devenue, depuis les Trente Glorieuses, l’horizon indépassable
des économies contemporaines. Réclamée par les partis politiques de gauche
comme de droite et par l’opinion publique, indispensable pour résorber le
chômage, nécessaire pour améliorer le pouvoir d’achat, elle est au cœur des
politiques économiques, en général néolibérales, menée depuis la crise de 2008.
A côté de
ce chœur à l’unisson, quelques voix discordantes, minoritaires, se font
entendre. Ceux qui se baptisent eux-mêmes « les objecteurs de
croissance », à l’inverse de la plupart des économistes reconnus, sont
partisans de la « décroissance soutenable ».
1°) Pourtant,
depuis la révolution industrielle et la naissance du capitalisme, les critiques
du progrès en général, et du développement industriel en particulier n’ont pas
manqué, les tenants de « l’état stationnaire » au XIXème siècle ne
sont pas sans rappeler les « objecteurs de croissance » du XXIème qui
s’inspirent également de travaux de la deuxième moitié du XXème siècle :
rapport du Club de Rome, analyses des éco-économistes, sommet de Rio, Appel de
Paris.
2°) Pourquoi
abandonner la croissance ? Les thèses des partisans de la
décroissance peuvent se résumer autour de six grandes thématiques : la
croissance n’est pas synonyme d’augmentation du bien-être, notamment parce
qu’elle ne prend pas en compte les dégâts causés à l’ensemble de la
planète ; la croissance infinie est inconcevable dans un monde fini ;
la croissance démographique aggrave les dangers de la croissance
économique ; le creusement des
inégalités, conséquence directe du développement, devient insupportable ; les
causes profondes de l’idolâtrie de la croissance sont à rechercher du côté de
la recherche sans frein du profit et du rôle de la consommation
ostentatoire ; les politiques de « développement durable ou
soutenable » ne permettront pas de sortir de l’impasse actuelle.
3°) Les
« objecteurs de croissance » ne se contentent pas de critiquer le
modèle actuel de développement, ils proposent une « utopie
concrète » : retrouver une empreinte écologique
« raisonnable » en « internalisant les externalités
négatives », en relocalisant les activités et en restaurant l’agriculture
paysanne ; transformer les gains de productivité en réduction du temps de
travail et en création d’emplois ; décréter un moratoire sur l’innovation
technoscientifique.
En
conclusion, les partisans de la décroissance pointent, à juste titre,
l’incommensurabilité des valeurs à laquelle nous confronte la croissance, la
confusion autour de la notion de richesse, trop souvent repliée sur sa seule
dimension économique, voire monétaire, et invitent à surmonter la crise de sens
que traversent nos sociétés. Ce n’est pas par la création d’une nouvelle force
politique qu’ils comptent atteindre
leurs objectifs, mais en recherchant des solutions du côté de l’éthique
individuelle et de la philosophie, pour peser dans le débat et infléchir les mentalités.
Jean-Pierre Cendron, auteur et économiste