POURQUOI (NOUS) MENTONS-NOUS ?
27 juin
2017
De la tromperie à
la trumperie
La réponse paraît évidente :
parce que la tromperie apporte au menteur un quelconque bénéfice, pas forcément
répréhensible d’ailleurs, puisque l’on dit qu’on peut aussi mentir pour la
bonne cause. Mais d’un autre côté, ne nous a-t-on point appris dès notre prime enfance qu’être menteur
était un défaut tout-à-fait condamnable, et que ceux qui s’y adonnent avec
délices peuvent aussi s’en mordre les doigts, et pas seulement outre-Atlantique ?
En 1797, Kant et Benjamin
Constant s’étaient confrontés à cette contradiction du « mentir ». Le
premier en vient à condamner sans appel un « prétendu
droit de mentir par humanité » que défend le second : « Le principe moral que dire la vérité
est un devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute
société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences directes qu’a
tirées de ce premier principe un philosophe allemand qui va jusqu’à prétendre
qu’envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent
n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime. » B. Constant, La France en l’an 1797, sixième cahier, n°1 : Des réactions politiques, p.123
Comment dès lors articuler ces
deux faces du mensonge, à la fois « chose au monde la mieux
partagée », sans doute utile à notre vie en société, et en même temps
condamnable et condamnée ? Le mensonge ne nuit-il qu’à autrui, ne risque-t-il pas d’atteindre en retour le
menteur, en détruisant le contrat de confiance à la racine de tout
langage ? Serait-ce ce à quoi nous assistons dans le jeu de dupe, entre
autres trumpien, des «fake news »,
des « alternative facts »
et de ce qu’on appelle aujourd’hui « ère de la post-vérité » (post-Truth) ?
Pierre KŒST
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