Pourquoi l’autonomie ?
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De plus en plus de personnes ne peuvent pas subvenir à leurs besoins vitaux. La terre est devenue inabordable
- Des pays n’arrivent pas à obtenir les ressources nécessaires à leur survie, par exemple l’énergie, le logement.
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Des entreprises perdent leurs industries à cause des délocalisations et des fuites de technologies
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Des pouvoirs agissent encore trop souvent en colons
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La démocratie, même si elle a fortement progressé (transparence, démocratie participative, avènement des listes citoyennes, etc.), peine à donner plus de pouvoir aux citoyens (le non à l’Europe, échec de la convention citoyenne, etc.)
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La montée des autoritarismes, que ce soit pour un souverainisme des états, pour une écologie radicale, pour une plus grande justice…
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Les problèmes dans les ehpads, l’inégalité des chances
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Etc.
Qu’est-ce que l’autonomie(s) ?
Mais peut-on régir nos propres règles ? Un paysan peut se croire indépendant s’il a suffisamment pour se nourrir mais à la première épidémie ou incident climatique, il perd cette indépendance, et donc son autonomie.
Un entrepreneur peut se penser indépendant mais à la première crise financière ou perte d’un fournisseur, tout peut se bouleverser et il perd son autonomie car il n’a plus la capacité d’agir selon ses propres règles.
Edgard Morin : « Plus un système vivant est autonome, plus il est dépendant à l’égard de l’écosystème ; en effet, l’autonomie suppose la complexité, laquelle suppose une très grande richesse de relations de
toutes sortes avec l’environnement, c’est-à-dire dépend d’interrelations, lesquelles constituent très exactement les dépendances qui sont les conditions de la relative indépendance. ».
Il évoque ici presque un équilibre entre autonomie et hétéronomie.
Chez Ivan Illitch (philosophe), par exemple, qui lui voit l’autonomie comme l’émancipation par rapport à la technique. Alors que d’autres voient dans la technique, un moyen d’émancipation de l’homme.
Selon Castoriadis, « autonomie individuelle et autonomie sociale sont, au sens le plus profond, deux faces du même »
Serge Latouche: « Pour Castoriadis, la démocratie n’est que la traduction de l’autonomie en termes de régime politique. »
Le municipalisme libertaire de Murray Bookchin qui a quitté le parti communiste en 1935 et, sans s’opposer aux institutions, il a déduit dans les années 60 qu’une société libératrice ne pouvait être qu’écologique,
basée sur l’autonomie.
Janet Biehl en référence à l’indépendance, qu’elle oppose à l’autonomie: « L’auto-suffisance n’est pas seulement impossible, elle est indésirable. »
La question de l’autonomie est apparu dans les bourgs et les villes a permis de diluer l’hostilité vis-à-vis de l’étranger au Moyen-Âge. Adage allemand : « Stadthaft macht frei » « L’air de la cité rend libre »
Comment la notion d’autonomie peut aider à penser la société ?
Cornelius Castoriadis : « L’autonomie n’est pas simplement un projet, c’est une possibilité effective de l’être humain. ».
Autonomie de l’individu
Elle passe par l’éducation de l’humain à l’autonomie.
Janet Biehl qui a travaillé sur les travaux de Murray Bookchin : « L’autonomie individuelle, ce processus par lequel l’individu prend conscience de son aliénation, découvre ses aspirations propres et se donne
les moyens de les réaliser, est inséparable de l’autonomie politique, qui libère les activités intellectuelles, artistiques, sportives, de leur subordination à l’économie et leur permet de se développer librement, pour la qualité du plaisir qu’elle procure. ».
François Taddéi : « Pas plus qu’un ordinateur, nous ne sommes totalement autonomes : une partie de notre programmation est le fruit de milliards d’années d’évolution ».
Robert Gloton a expérimenté l’auto-gestion dans l’éducation (école de Vitruve).
Les lab schools à Paris, formation permanente des élèves et des professeurs avec l’aide de chercheur.
L’autonomie de l’individu passe par une sécurité matérielle : l’accès à un toit, à se nourrir, à se chauffer.
Quand on voit les réactions de l’Etat, elle vient souvent au secours de cette autonomie. Mais si elle était acquise par un fonctionnement différent, il y aurait moins d’angoisse et plus de temps pour créer des
communs, pour bâtir une autonomie collective.
Les agissements des états démocratiques sont le résultat de nos délégations et ces délégations sont partie intégrante des relations interdépendantes qui forment notre autonomie. Nous voyons bien qu’en cas de disfonctionnement
il y a une tendance à remettre en cause tout le système, c’est bien qu’il possède en son sein des défaillances, et que notre autonomie individuelle et collective doit être sollicitée pour améliorer le système qui régit les règles communes.
Sans autonomie individuelle, pas de projet d’autonomie collective, pas de démocratie.
Autonomie dans l’exercice de la démocratie
« Avant l’Etat-Nation, nous dit Janet Biehl, le politique signifiait l’activité des citoyens au sein d’un corps public exerçant le pouvoir grâce à des institutions partagées et participatives. »
D’ailleurs, le mot politique vient de « polis » qui signifie « cité-Etat », signifie démocratie directe dans les mots d’Aristote. A son apogée le corps public d’Athènes comprenait 40 000 citoyens adultes avant
de décliner après la guerre du Péloponnèse.
Après l’an 1000, face à la défaillance des nobles, les communes du Nord de l’Italie s’organisent. Bourgeois, marchands, artisans font serment de respecter les droits individuels et les intérêts communs.
Au XIIIème siècle, le peuple prend de plus en plus le pouvoir avec les guildes des métiers. Plus tard, les confédérations du Pays-Bas sont aussi créées face aux espagnols.
Pendant les années 30, dans la baie du Massachussetts, des communautés congrégationnistes formèrent des villages assez autonomes (créations de town meetings qui permettaient de prendre des décisions).
Au début du XIXème siècle, les bâtisseurs de l’Etat Républicain s’approprièrent la démocratie, avec des institutions représentatives, dissimulant une cité élitiste, paternaliste et coercitive. La démocratie participative,
s’appuyant sur l’autonomie est à bâtir.
Les écueils de notre démocratie actuelle :
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Tout d’abord notre démocratie existe bel et bien mais elle est plus représentative que participative.
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Par ailleurs, un choix a clairement été fait en 1792, le choix de l’aristocratie, c’est-à-dire le pouvoir du meilleur au lieu du pouvoir du peuple, la démocratie dans son sens d’origine.
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David Van Reybrouck dans « Contre les élections » : « La Révolution française, pas plus que l’américaine, n’a chassé une aristocratie héréditaire par une démocratie ; elle a chassé une aristocratie héréditaire pour la remplacer par une aristocratie librement
choisie »
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Montesquieu le disait déjà : « Le suffrage au sort est de la nature de la démocratie, le suffrage par choix est celle de l’aristocratie. »
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Jean-Paul Marat disait en 1791 : « Qu’aurons-nous à gagner, disait-il, si nous exterminons l’aristocratie des nobles pour la remplacer ensuite par l’aristocratie des riches ? ».
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Dans la Constitution de 1791, il est retiré toute référence à la démocratie : « La Nation, d’où procède tout pouvoir, ne peut exercer celui-ci que par délégation. La Constitution française est représentative. ».
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Le droit de vote fut élargi mais jamais la participation des individus autonomes en vue d’une autonomie collective. Or aujourd’hui, on voit des tentatives. Budget représentatif. Convention citoyenne. Mais il y a aussi une large opposition de ceux qui prônent
une renforcement de l’autorité en opposition à la participation.
La démocratie pourrait être à la fois représentative et participative, à la fois élective et aléatoire. C’était tout le débat entre le néolibéralisme de Walter Lippmann et le libéral de John Dewey au début du
XXème siècle.
Barbara Stiegler (S’adapter) : « Pas plus que les autres, l’espèce humaine ne peut s’adapter mécaniquement à un environnement déjà donné. Elle doit au contraire le créer et le transformer continuellement pour
le soumettre à ses propres besoins. »
Pourtant la démocratie est la seule voie pour nous sortir des difficultés actuelles, pour que les habitants se réapproprient le vivre ensemble. Mais ce n’est pas simple car les mairies ont perdu de leur autonomie.
Parce que la démocratie est exigeante et elle demande du temps ( exemple : démocratie participative de Saillans)
La démocratie locale n’est pas suffisante et il est essentiel de créer du lien pour éviter les guerres de clocher, conserver une résistance face aux impérialismes. Par ailleurs, beaucoup de problèmes n’ont pas
de frontières, comme les problèmes environnementaux. L’autonomie est forcément locale et globale, individuelle et collective.
Autonomie des médias et la liberté d’expression
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Autonomie des médias : actuellement il y a un retour arrière à l’instar de la période sous Napoléon III.
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Hannah Arendt : « La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat. ».
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Aujourd’hui, l’autonomie des journalistes dans l’exercice de leur fonction est mise à mal.
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Ce n’est pas une première. Corruption des journalistes par les Russes à la fin du XIXème siècle. La mainmise de Vichy sur la liberté de la presse. Programme du Conseil de la Résistance « les jours heureux ». En réalité il n’en sera rien car l’agence France
presse continuera d’appartenir à l’Etat français.
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Julia Cagé propose les fonds de dotation sans droit cessibles pour renforcer l’autonomie des médias.
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Autonomie des organisations, des pays, des ressources
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L’Europe pourrait aussi être ce laboratoire. L’Europe a été fondée à la fin du colonialisme pour préserver son accès aux ressources. Nier l’interdépendance est une folie. Il y a deux moyens pour une nation de survivre, la domination et la coopération. D’un
côté, l’Europe coopère en interne de ses frontières même si c’est difficile. De l’autre elle continue de dominer.
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Au Niger : Etude de la Banque Mondiale évoquée par Jean Ziegler « Il en est ressorti que des pompes installées sur les nappes souterraines et un système de canalisation capillaire du fleuve permettraient, sans difficultés majeures, d’arroser 440 000 hectares
de terre. S’il était réalisé, ce projet permettrait ainsi d’assurer l’autosuffisance alimentaire du pays. Autrement dit : de mettre définitivement à l’abri de la faim 10 millions de Nigériens. ». Evoquer le coton américain face au coton malien. Evoquer l’industrie
alimentaire et la production bio face à l’alimentation mondiale.
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Si l’autonomie collective était recherchée, à la place de la domination et de l’indépendance,
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La question de l’autonomie des ressources se pose actuellement avec les difficultés de la mondialisation. L’autonomie n’est-elle pas possible qu’à la condition que les partenaires le soient aussi ?
Autonomie collective un chantier pour l’avenir ?
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Une vision est nécessaire pour déployer nos énergies.
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Hellen Keller (« écrivaine) : « L’unique chose qui puisse être pire que d’être aveugle est d’avoir la vue, mais pas de vision. »
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Nos politiques évoquent les anciens mais n’ont pas d’idée de l’avenir. Le monde est devenu complexe, certes, et donc ils naviguent au fil de l’eau.
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L’autonomie est une question transversale qui ne peut être pensée qu’à l’échelle de l’individu et à à la fois d’un collectif, à l’échelle locale, régionale et internationale.
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Cette autonomie ne peut s’obtenir que s’il y a de la réciprocité. Pourquoi ne pas mettre en place des pactes d’autonomies réciproques en transformant l’ONU en ONAU (Organisation des nations unies et autonomes).
- Cette notion d’autonomie collective, ne peut-elle promettre un avenir meilleur, où chacun peut devenir acteur, peut construire l’avenir ? Penser l’autonomie individuelle et collective, locale et globale, n’est-ce pas la base d’une vision pour construire l’avenir ?
- Ludovic Deblois
Référence : Autonomie(s) de Ludovic Deblois publié en 2021 (Editeur : L’arroseur de l’ombre)