21/02/2017 : Avec l’immatériel dans notre quotidien allons-nous changer notre manière d’être ?

La part grandissante d’immatériel dans notre vie de tous les jours modifie nos relations aux objets, nos relations aux autres, et peut-être même notre manière d’être.

Dans ces objets du quotidien la part d’immatériel est parfois plus conséquente que la part matérielle. Quelle est la part la plus importante dans un smart phone : le matériel ou l’immatériel ? Le GPS s’est-il définitivement substitué à la carte Michelin

L’immatériel : de quoi parlons-nous ?

Le champ de recherche de l’immatériel est multidisciplinaire. L’immatériel, du latin immateriālis, se réfère au non-matériel, à l’intangible, à ce qui n’a pas de consistance matérielle voir même à ce qui est dématérialisé.

Sur un plan économique l’immatériel a été défini comme “Investissement intangible dynamique qui incorpore de manière durable une part de connaissances dominante dans le but de contribuer de manière spécifique ou processuelle à la compétitivité et à valeur de l’entreprise.” Dictionnaire des Sciences Economiques - Presses Universitaires de France - Avril 2001

D’un point de vue juridique, l’immatériel est aussi ancien que le droit parce qu’il participe comme lui de l’économie.

Enfin l’immatériel s’inscrit aussi dans notre patrimoine culturel. En effet l’Unesco a défini le patrimoine culturel immatériel comme « Les processus acquis par les peuples ainsi que les savoirs, les compétences et la créativité dont ils sont les héritiers et qu’ils développent, les produits qu’ils créent et les ressources, espaces et autres dimensions du cadre social et naturel nécessaires à leur durabilité ; ces processus inspirent aux communautés vivantes un sentiment de continuité par rapport aux générations qui les ont précédées et revêtent une importance cruciale pour l’identité culturelle ainsi que la sauvegarde de la diversité culturelle et de la créativité de l’humanité ». Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel - UNESCO - Paris – Octobre 2003.

Ainsi le repas gastronomique à la française, avec ses rituels et sa présentation s’inscrit dans ce patrimoine culturel immatériel au même titre que la Fauconnerie ou encore la fête des vignerons de Vevey en Suisse.

D’un point de vue philosophique le questionnement porte sur l’immatière. Gaston Bachelard souligne ainsi à bien des égards que « rien n’est donné, tout est construit ».

Ainsi et après avoir tenté de définir l’immatériel dans une lecture pluridisciplinaire il convient de s’interroger sur cette évolution immatérielle, sur ces formes de construits intangibles.


La part grandissante d’immatériel dans notre quotidien

Des scientifiques dans bon nombre de disciplines, des philosophes, des sociologues, des économistes se sont interrogés sur la part grandissante d’immatériel dans notre quotidien. Objets encore plus intelligents, nouveaux amis dématérialisés dans les réseaux sociaux… Ainsi 1,55 milliard de personnes utilisateurs actifs sont connectées tous les mois sur Face book. Il s’agit du deuxième site web le plus visité au monde après Google sachant que Mark Zuckerberg a créée Face book en 2004.

Depuis les années 80, bon nombre d’acteurs économiques se sont engagés sur un plan international dans des politiques d’investissements immatériels qui ne sont pas restées sans conséquences : la recherche et le développement, de nouveaux brevets, de nouvelles licences, des recherches sur de nouvelles applications pour des smart phones, pour des tablettes numériques, des logiciels encore plus intuitifs, mais aussi des investissements en design, en marketing, en formation….

L’évolution de l’économie de la connaissance, l’accès quasi immédiat aux connaissances nouvelles ont ainsi ouverts de nouvelles perspectives : une part grandissante d’immatériel avec des conséquences significatives sur la valorisation des entreprises, des marques.

L’exemple d’Apple dont la capitalisation boursière atteint des sommets. Il s’agit de la première entreprise au monde à dépasser la barre symbolique des 700 milliards de dollars. Il faut douze General Motors pour en arriver à la même valorisation boursière.

L’individu capable d’accéder à des connaissances nouvelles, au cœur des organisations économiques, semble ainsi avoir largement contribué à la part grandissante de l’immatériel dans nos objets du quotidien. Ce capital humain qui crée, qui imagine, qui construit cet immatériel pourrait être alors qualifié de bâtisseur d’immatériel, de créateur d’éphémère, de sculpteur d’imaginaire. Guidés par leurs émotions, par leurs nouvelles formes d’épanouissement, par des connaissances nouvelles partagées, ils s’inscrivent dans une dynamique immatérielle.

Sommes-nous en quête d’immatériel dans notre quotidien ?

Dans le fond sommes-nous en quête d’immatériel dans notre quotidien ? Accepterions-nous encore de ne pas échanger sur Skype, de ne pas envoyer un SMS ? Que ferions-nous sans accéder en quelques secondes à des connaissances nouvelles accessibles sur Google.

Constitués pour une part grandissante et évolutive d’immatériel nos smart phones, GPS et tablettes numériques représentent pour certains de véritables doudous.

Allons-nous pour autant changer notre manière d’être avec des objets qui seraient plus intelligents ?

Qu’en est-il de la relation du sujet à l’objet plus immatériel ?

Cette part grandissante d’immatériel dans notre quotidien ne risque-t-elle pas de créer une nouvelle forme d’exclusion sociale ? Serons-nous tous égaux face à des appareils intelligents composés d’immatériel ?

Quels sont les complices de notre vie de tous les jours ? La relation à notre téléphone, à notre ordinateur n’est-elle pas un peu affectuelle lorsque la relation aux autres est affective ? Même la voiture semble intégrer une part grandissante de connaissances nouvelles. Dans le fond qui prendra le volant demain ?

Allons-nous changer notre manière d’être avec cette part grandissante d’immatériel dans notre quotidien ?

Dr. Patrick OCHS

Patrick Ochs est, avec son épouse Chantal, producteur d’huile d’olive à Beaumont de Pertuis, depuis 2002. Patrick a soutenu sa thèse de doctorat en sciences de gestion sur l’investissement immatériel en 1995 à l’université Panthéon-Sorbonne - Paris 2. Habilité à diriger des recherches, auteur de plusieurs ouvrages et articles scientifiques, professeur-associé à l’université Louis Pasteur à Strasbourg, professeur visiteur et chercheur associé à HEC Montréal il a été missionné comme expert sur l’investissement immatériel au Commissariat général au Plan. En parallèle de sa carrière d’enseignant chercheur Patrick animait avec Chantal un institut d’études prospectives à caractère qualitatif qui intervenait pour le compte de grands groupes internationaux.