Peut-on Perdre le ciel ? Pierre-Jean Dessertine Café philo du 8 février 2022


Peut-on perdre le ciel ?

Parler du ciel !... Alors qu’il y a tant de problèmes sur Terre ! Quelle idée !?

Trois remarques qui motivent qu’on fasse attention au ciel.

  1. D’abord que c’est l’étonnement qui mène le plus sûrement à la philosophie – laquelle est étymologiquement « l’amour de la sagesse », soit pour le dire de manière plus contemporaine, le désir de comprendre simplement pour comprendre, parce que cela nous fait plus humain, en dehors de toute visée utilitaire.
    Platon faisait dire à Socrate : « C’est la vraie marque d’un philosophe que le sentiment d’étonnement que tu éprouves, il n’y a pas d’autre point de départ de la philosophie que celui-là ! » (Théétète 155d).

  2. Or, il semble bien que, d’un point de vue historique, le principal et le plus constant sujet d’étonnement venant de notre environnement naturel ait été le ciel.
    On pourrait trouver, dans les textes passés, d’innombrables manifestations de cet étonnement. Remontons au plus précoce :
    Platon rapporte cette anecdote sur Thalès, considéré comme le premier philosophe (début du VI° av J-C) : "Il observait les astres et, comme il avait les yeux au ciel, il tomba dans un puits. Une servante de Thrace, fine et spirituelle, le railla, dit-on, en disant qu'il s'évertuait à savoir ce qui se passait dans le ciel. et qu'il ne prenait pas garde à ce qui était devant lui et à ses pieds." (Théétète, 174a-175c)
    La réflexion suscitée par la vision du ciel fait oublier à Thalès de prendre garde à ce qui est utile à l’entretien de sa vie, et d’abord regarder où il met les pieds.
    Le caractère étonnant du ciel motive à la réflexion philosophique. Il fallait bien qu’on finisse par en parler au Café-Philo de Lourmarin. D’autant que son fondateur, notre regretté très cher ami Martin Videcoq, qui nous a quitté il y a juste 4 ans, avait intitulé son blog « Seuls dans le Cosmos », rattachant ainsi son désir de comprendre notre relation au ciel qui nous enveloppe.

  3. La 3ème remarque nous ramène à notre situation actuelle sur la planète Terre : notre société, désormais mondialisée, semble vouloir se débarrasser du ciel.

Ce que manifestent de nombreux comportements contemporains, par exemple :

- Le prodigieux développement du monde sur écran : on regarde beaucoup plus l’écran et beaucoup moins le ciel.

  • On laisse, sans égards, des obstacles s’installer entre le ciel et soi :
    C’est la pollution lumineuse nocturne, mais aussi les autres.

  • pollutions : voile de particules dans l’atmosphère dégagées par nos activités, proliférations des satellites artificiels, qui occultent les astres.

Peut-on perdre le ciel ? Nous voulons dire : peut-on se laisser séparer du ciel ?

Notre humanité n’est-elle pas en risque de perdre une part précieuse d’elle-même en se détachant de sa relation au ciel ?

Comme base de notre réflexion, il nous faut préciser la relation physique très singulière que nous, humains, avons avec le ciel.


I- Une perception singulière

1- Tu habites Marseille, ton amour habite Lille, vous vous téléphonez la nuit tombée, eh bien en regardant le ciel, vous voyez la même chose, vous partagez la seule expérience commune possible !

  • Objection : Il suffit que j’utilise une appli avec caméra sur mon smartphone pour qu’avec mon correspondant on voit les mêmes choses.

Inexact. S’il y a une quasi identité de représentation. Il n’y a pas du tout identité d’expérience vécue : d’un côté tu peux t’avancer dans le jardin, de l’autre tu ne peux faire autre chose que regarder la surface très exiguë de l’écran – une image parmi tant d’autres pour nous qui vivons, en ce monde contemporain, dans un bain d’images.

Alors que dans la contemplation du ciel tu partages la même expérience vécue. Et c’est une expérience qui nous touche globalement. Cf. Pascal : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie »

  • Objection : Ce n’est pas exactement la même vision du ciel, car il y a des détails en plus et en moins d’un côté et de l’autre de l’horizon, suivant le lieu d’où on le regarde !

Mais que tu peux les inférer par la connaissance du ciel. Tu sais qu’il suffit que tu te déplaces suffisamment dans cette direction vers l’horizon pour qu’ils apparaissent.

Et ceci est valable même si ton amour est à Sidney au lieu d’être à Lille.

Le ciel est la seule perception universellement commune à un

instant t.

Le ciel est la seule perception toujours partageable par tous.

2-La psychologie nous apprend que toute perception se réalise par la saisie d’une forme reconnaissable que l’on détache d’un fond.

Le pendule sur fond du mur dans le salon. La forme est le contour de l’objet perçu qu’elle définit ainsi (c’est par elle qu’on le reconnaît), alors que le fond est sans contour, c’est-à-dire indéfini pour le sujet percevant.

Mais tout fond peut devenir objet de perception si l’on s’attache à sa forme en tant qu’elle se détache d’un fond plus vaste qui l’englobe. Ainsi, on peut percevoir le mur en tant qu’il est un pan du salon ; le salon en tant qu’il est une pièce dans l’habitation. Et l’on peut continuer ainsi en élargissant notre faculté de percevoir, à transformer ce qui faisait office de fond en objet de perception : la maison dans le quartier. Et prenons un aéronef : le quartier dans la ville, la ville dans la région, la région dans le pays, etc...

Jusqu’où peut-on aller dans cet agrandissement des objets perçus ?

On arrivera toujours au ciel, et on n’ira jamais plus loin.
Ce qui signifie que le ciel est la seule réalité perçue qui n’est pas saisie comme forme. Car si elle avait une forme de quel fond plus vaste se détacherait-elle ?

Le ciel est la seule perception qui ne soit pas un objet.

Le ciel est le fond absolu.

  • Objection ! La perception du ciel est toujours limitée par l’horizon ! Le ciel c’est cette voûte perçue au-dessous de nous et qui est couturée par la ligne d’horizon à la Terre. Elle a donc un contour, comme tout objet ! C’est un super objet parce qu’il ne peut pas être embrassé en un seul regard ! Mais un objet quand même !

3- Non ! Car cette « forme » - celle que crée l’horizon – n’en est pas véritablement une. Elle n’a aucune consistance. Elle est entièrement dépendante de ma situation dans l’espace. Car si je me déplace, l’horizon se déplace également en changeant de forme, alors que de nouveaux espaces apparaissent au fur et à mesure sous le ciel.

Il s’ensuit alors que si tout objet peut se contourner – même la Terre, même le soleil, même notre galaxie, peuvent se contourner !

 – le ciel ne se contourne jamais.

Un astronaute allant sur Mars, se retrouverait sous le même ciel que nous terriens, à quelques détails près (qu’on peut anticiper) concernant les planètes du système solaire.

La perception du ciel est donc la perception d’un non-objet, d’une réalité qui n’a pas de limite – au sens propre in-finie.

La perception du ciel est la seule véritable expérience sensible de l’infini. Cf. G. Bruno : « Les sens confessent leur sottise et leur insuffisance en se donnant l’apparence d’un horizon fini, alors que l’on voit toujours combien cette apparence est changeante ». De l’univers infini et des mondes – 1584


4- L’autre conséquence est qu’on ne saurait échapper au ciel. Quoiqu’on fasse, où qu’on aille, ce sera toujours, en fin de compte sous le ciel. Peut-être la civilisation industrialo-marchande s’effondrera-t-elle prochainement ? Peut-être même la biosphère expirera trop épuisée par les menées humaines. Le ciel restera le même. C’est lui le véritable point fixe.

C’est pourquoi :

La perception du ciel est la véritable expérience sensible de la transcendance.
Cf. Kant : « Deux choses remplissent l'âme d'une admiration et d'un respect toujours renaissants et toujours croissants à mesure que la pensée y revient et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus de nous, la loi morale au-dedans ». Critique de la raison pratique – 1788.

Est transcendante toute réalité dont on dépend absolument – dont on ne peut pas ne pas dépendre quelles que soient les circonstances.


II- L’astronomie, reine des sciences

C’est aussi pourquoi le ciel est la réalité par excellence qui se contemple
Cf. Anaxagore (V° siècle av. J-C) : « Quel est le but qui vaudrait que l'on choisît de naître plutôt que de ne pas exister ? Spéculer sur le ciel et sur l'ordre du cosmos entier. »

C’est aussi pour cela que la contemplation du ciel est l’origine de la science : « théorie » vient du Grec theorein = contempler

Tous les premiers grands penseurs étaient aussi astronomes :

Thalès, a fait la théorie des éclipses et, le premier, a anticipé une éclipse du soleil (celle de –585) ; à la même époque, Anaximandre concevait déjà l’Univers comme illimité dans toutes les directions ; et quelques décennies plus tard, Philolaos affirmait déjà que la Terre n’est pas le centre fixe de l’Univers, mais tourne, comme les autres planètes, autour d’un point central. Aristarque de Samos au –IV siècle, devançant de 18 siècles Copernic, avait déjà clairement formulé, la théorie héliocentrique. Mais parce qu’elle était contre-intuitive, elle n’a pas pu s’imposer face à la cosmologie d’Aristote, laquelle a prévalu donc pendant près de 2000 ans, via Ptolémée et le christianisme.

L’astronomie, produit de l’investissement du ciel par nos aïeux de l’Antiquité, a été la première science, et est le modèle de toutes les sciences – observation rigoureuse, rationalité du discours, désintéressement de la recherche, universalité du savoir.

  • Objection : Soit ! C’est une science qui a eu sa valeur, mais qui est désormais dépassée. Maintenant la science ne se contente plus de contempler le ciel, elle agit !

Elle obtient infiniment plus de résultat, en y allant (vers le ciel), ou plutôt en explorant l’espace, envoyant des engins d’observation, parfois avec des astronautes, ramenant des échantillons, les soumettant à des expériences, etc. Autrement dit la science aurait accomplit un saut qualitatif en ne se contentant plus de contempler mais en étant active. En intervenant dans le secteur de la nature qu’elle étudie afin de mettre à jour des phénomènes qui ne se manifestent pas spontanément (télescope de Galilée, expérience sur l’existence du vide par Pascal, celle du tube à vide pour la gravitation par Newton), elle a rendu possible un degré inédit de maitrise par l’homme de son environnement naturel.

Cf. Révolution culturelle de la méthode expérimentale au début du XVII° avec F. Bacon et R. Descartes : de la science d’observation à la science d’expérimentation.


III- L’espace et le ciel 

Certes ! On ne dit pas qu’on va dans le ciel (sauf les âmes des défunts, et les êtres surnaturels dans le cadre de croyances religieuses), on n’explore pas le ciel, on l’observe, alors qu’on explore l’espace.

Les deux mots, quoiqu’ils désignent la même réalité – l’illimité qui nous enveloppe – ne signifient pas la même chose.

Qu’est-ce qui les différencie ? Faut-il considérer que l’espace a vocation à se substituer au ciel et à le rendre désuet ? Comme si le ciel, face à l’espace qui s’ouvre aux entreprises humaines, était discrédité comme illusion d’optique ?

La notion d’espace, en ce sens qui revendique l’illimité qui nous enveloppe, est apparue il y a plus d’un demi-siècle à partir du moment où on a été capable de lancer des projectiles vers le ciel avec suffisamment d’énergie pour qu’ils se libèrent de la gravité terrestre.

Le ciel ne peut être qu’observé, examiné, déchiffré, interprété, contemplé. Autrement dit, il ne peut être l’occasion que d’un gain spirituel :
– de connaissance comme on l’a vu des anciens penseurs grecs,
– d’imaginaire comme le montre la manière immémoriale de le peupler de constellations et de divinités – imaginaire donc qui nourrit des croyances religieuses et autres (astrologie)
– mais aussi de sentiments comme en témoignent aussi bien l’extase devant un coucher de soleil que l’effroi de Pascal : « En regardant tout l'univers muet et l'homme sans lumière, abandonné à lui-même et comme égaré dans ce recoin de l'univers sans savoir qui l'y a mis, ce qu'il y est venu faire, ce qu'il deviendra en mourant, incapable de toute connaissance, j'entre en effroi, comme un homme qu'on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable, et qui s'éveillerait sans connaître où il est et sans moyen d'en sortir. »

Par contre l’espace, celui dont on parle de faire la conquête, n’est qu’une extension vers le haut de l’espace à trois dimensions étudié par les géomètres.

Or, cet espace est fondamentalement, le lieu du mouvement des êtres matériels, et d’abord celui de notre corps d’humain.

Jusqu’à la fin du XVIII° siècle (le premier montgolfière s’élève en 1783) l’espace est resté très limité dans la dimension de la verticalité. C’est pour cela qu’on parlait bien plus volontiers d’étendue (cf. Descartes parle de l’étendue d’un corps pour désigner l’espace qu’il occupe).

Les actions dans la direction de la verticalité libérant de la gravité à partir des années 50 (premier Spoutnik soviétique 1957) sont des actions d’ampleur qui installent l’espace en sa direction verticale comme un domaine à conquérir, comme une nouvelle frontière de l’humanité.

Comme pour se libérer de la gravité il faut mobiliser énormément d’énergie, on le fait pour quelque chose. Autrement dit l’espace des astronautes est d’abord un champ d’action. Par opposition au ciel qui est un champ de contemplation.

On contemple le ciel, on explore (ou conquiert) l’espace.

Mais quand on agit dans un espace on modifie.

L’espace signifie que l’illimité est indéfiniment ouvert à nos entreprises. Il est maintenant le lieu de manifestation des antagonismes entre Etats : satellites de communication, d’espionnage, voire « guerre des étoiles » par des armes mises en orbite. Il est devenu stratégique. Il y a comme une géopolitique de l’espace.

Ainsi par opposition au ciel qui est transcendant et contemplé, l’espace est profane et modifié – ce sont tous les passages de satellites qui troublent désormais la vision du ciel étoilé.

Dans cette perspective d’être un champ d’action, et parce que notre société mondialisé est une mercatocratie – le pouvoir souverain est détenu par le marché et donc d’abord par les principaux affairistes – on en est déjà à vendre l’espace comme destination touristique.

Alors que jamais le ciel ne saurait valoir pour un gain matériel. Le ciel est gratuit, à tous, et toujours partagé.

Par rapport au ciel, l’espace reste un « objet » de perception au sens où on ne peut le penser que relativement à des limites qui correspondent exactement aux mouvements que nous envisageons comme possibles de nos corps et de nos artifices techniques (par exemple, la puissance de nos télescopes).

Faut-il en conclure que la prise de pouvoir des humains sur l’espace a disqualifié le ciel, comme une forme dépassé, voire primitive de connaissance ?


IV- L’illusion de l’obsolescence du ciel

Il apparaît que nous vivons un processus d’occultation du ciel, lequel semble de moins en moins présent dans le monde des humains.

Le ciel s'absente de nos milieux citadins. L'encombrement du champ visuel par la verticalité des constructions, et la sollicitation incessante du regard par les multiples supports de propagande, nous font méconnaître sa présence. La multiplication des éclairages publics nocturnes, lesquels balisent un espace à profondeur circonscrite, nous soustrait au sublime du ciel nocturne.

L'idée de « sublime », selon Kant, exprime l’incommensurabilité d’une perception sous la forme d'une impossibilité pour l'entendement de saisir ce que lui présente l'imagination.

D’autre part nous agissons et interagissons de plus en plus par l’intermédiaire d’écrans qui sont par nature une manière de s’absenter de son espace de vie, et par conséquent, d’occulter le ciel.

En fait, aujourd’hui on ne parle vraiment du ciel qu’en 2 occurrences :

  • de manière imaginaire et symbolique dans la religion et les manifestations religieuses et folkloriques (Noël) – c’est l’espace des créatures surnaturelles.

  • De manière utilitaire dans la météo. Ici le ciel se réduit à un espace de pictogrammes. D’ailleurs les météorologues sont très peu en relation perceptive avec le ciel. Ils travaillent essentiellement sur des chiffres à partir de données fournies par des stations météo.

On voit que dans ces deux occurrences on parle du ciel pour s’occuper en réalité d’autre chose– la croyance au surnaturel d’un côté, la projection dans l’avenir à court terme (le temps qu’il fera demain) de l’autre.

Il est très peu question du ciel en tant que tel aujourd’hui. Le plus important serait encore les observations des astronomes – mais ils sont de plus en plus gênés par la pollution lumineuse et le fourmillement de satellites artificiels.

Il y a une illusion, liée au progrès de l’astronautique contemporaine, d’avoir vaincu le ciel par l’espace, c’est-à-dire d’avoir définitivement discrédité la croyance en sa transcendance en le réduisant à un espace profane – c’est le sens de l’affirmation de Gagarine, le premier astronaute, depuis sa capsule spatiale, en 1961 : « Je ne vois aucun dieu là-haut ». Mais cette illusion provient d’un amalgame entre les deux transcendances : la transcendance divine qu’on a imaginairement voulu localiser dans le ciel, et la transcendance perceptive du ciel.
D’accord, les dieux n’habitent pas là-haut ! Mais la transcendance du ciel demeure de toute façon, elle s’impose à notre expérience.

Car les astronautes quoiqu’ils fassent dans l’espace restent sous le ciel !

  • Objection : mais les progrès actuels en réalité virtuelle n’amènent-ils pas à échapper vraiment au ciel ?

Nous parlons ici de la réalité virtuelle dite immersive qui en vous parant d’un casque qui capte l’entièreté de vos champs visuel et sonore, avec quelques capteurs ajoutés sur le corps, vous plonge dans un univers 3D qui se modifie au gré de vos mouvements : où que vous vous tourniez, quel geste que vous fassiez (ne pas s’arracher ses capteurs ou son casque bien sûr), l’image, le son, voire d’autres sensations s’adaptent en une réponse artificielle.

Or cette virtualisation aura toujours une limite infranchissable : elle ne pourra jamais intégrer le ciel.

La technique ne pourra jamais créer un ciel virtuel.

- Parce que le ciel est le même pour tous.

- Parce que l’infinité de l’expérience perceptive du ciel est impossible à reproduire (on n’aura jamais assez d’images artificielles pour y pourvoir).

- Parce que le ciel simulé (dans le casque) ne saurait nous émouvoir comme le vrai : il est toujours localisé dans le casque, et il suffit de se défaire du casque pour le faire disparaître.

La limite absolument infranchissable à la virtualisation de la réalité, c’est le ciel.

Le ciel restera toujours la réalité qui transcendera tout homme, quoiqu’il fasse, viverait-il comme un rat dans sa pièce aménagée pour la réalité virtuelle.

D’ailleurs en cette impossibilité est bien la misère de la réalité virtuelle ! Pourquoi tant de fonds d’écran représentent le ciel, sinon pour masquer, oh un tout petit peu, cette misère ?

Par contre, on n’a jamais vu un mouton s’arrêter de s’occuper de son herbe pour contempler un coucher de soleil.

Le ciel est la transcendance de l’infini nécessairement vécue par tout être humain.


Conclusion

On ne peut pas échapper au ciel.

On ne le perdra jamais au sens propre par contre on se perdra sans doute par manque d’attention à ce qu’il nous apprend sur nous.

Car on peut le perdre au sens figuré en ne nous nourrissant pas de notre lien avec lui.

Alors il faut avoir conscience – c’était le sens de cette réflexion –de l’importance de notre lien avec le ciel.

Combien il est précieux pour que s’épanouisse notre humanité. Car ce lien – l’expérience perceptive du ciel - nous apporte :

- Le sens de la contemplation et du savoir par la simple observation de ce qui se donne spontanément à nos sens. Cette attitude d’accueil est l’heureux contrepoint à l’action qui opère des modifications dans l’espace de notre environnement naturel. Une organisation sociale qui ne laisse pas de place au temps de la contemplation doit être qualifiée d’activiste : elle a toute chance d’amener l’homme à avoir un impact sur l’environnement naturel déséquilibré par rapport à ses capacités de régénération.
Notre société mercatocratique est activiste : il lui serait bienfaisant de retrouver la présence du ciel.

- Le sens de la transcendance. Giordano Bruno ayant reconnu sensiblement l’infinité de l’Univers affirme qu’il ne faut pas chercher ailleurs une divinité : « Dieu est infini dans l'infini, partout en toutes choses, ni au-dessus ni à l'extérieur mais totalement intime à toutes choses. » De l’immense et de l’infigurable, 1591. Cette affirmation panthéiste (panthéisme = tout est Dieu) a toujours été intolérable au christianisme qui affirme la croyance en un Dieu personnifié qui punit et récompense. Ce qui amènera Rome à brûler vif le philosophe en 1600.

- Le sens de notre finitude. Il faut accepter que l’Univers ne soit pas établi pour l’humanité, et autour d’elle. Il faut accepter que l’individu humain ne soit qu’un passager éphémère dans un lieu indifférent de l’Univers. Il faut accepter que l’humain soit intrinsèquement limité, et mortel au bout de quelques décennies. L’idéologie transhumaniste fait figure de fantasme adolescent d’humains trop occupés à regarder leurs muscles pour voir le ciel.

- Le sens de la théorie et donc le désir et la satisfaction de comprendre. C’est sur notre relation au ciel que s’est fondée la science comme savoir désintéressé et de valeur universelle.

- Le sens d’une fondamentale solidarité humaine – le ciel est l’expérience qui nous réunit tous en tant qu’humains finis, et donc ayant besoin les uns des autres.

Et nous savons bien que, plus que jamais, l’humanité a besoin aujourd’hui sur Terre de ces vérités.