Thoreau et le vivant
Prémices écologiques
Henry D. Thoreau (1817-1862), philosophe américain et naturaliste amateur, mais aussi père de la désobéissance civile, a consacré une large partie de sa vie et de son œuvre à étudier la nature de la Nouvelle-Angleterre aux environs de Concord (Massachusetts). Son originalité a consisté, dès le milieu du XIXe siècle, à récuser l’opposition traditionnelle entre nature et culture. De nombreux exemples montrent combien il voulait « passer de l’autre côté » de cette frontière. En cela, il est un précurseur de la notion actuelle de vivant, incluant l’humain et le non-humain. Son œuvre nous importe dans la mesure où elle fait un premier pas en direction d’une écologie capable de modifier notre imaginaire et d’aider notre époque à mieux affronter la crise écologique de l’anthropocène.
Pour situer son attitude, je commencerai par citer une anecdote tirée du Journal dans laquelle il raconte comment il est allé ramasser des châtaignes :
Une pierre lancée contre l’arbre les fait tomber en pluie sur la tête et les épaules. Mais je ne trouve aucune excuse à cet emploi d’une pierre. Ce n’est pas innocent, ce n’est pas juste, de maltraiter ainsi l’arbre qui nous nourrit. Je ne suis guère troublé en songeant que, si j’abrège ainsi sa vie, je ne jouirai pas longtemps de ses fruits, mais des raisons de pure humanité me poussent à une ligne de conduite plus innocente. Je sympathise avec cet arbre, et pourtant tel un voleur guère capable de commettre un meurtre j’ai lancé une grosse pierre contre ces troncs. Je crois que je ne recommencerai jamais. L’on devrait accepter ces dons, non seulement avec douceur, mais avec une certaine gratitude empreinte d’humilité. Il ne faudrait même pas secouer trop rudement l’arbre dont nous convoitons les fruits. Ce n’est pas un temps de détresse, quand on pourrait même pardonner un peu de hâte et de violence. Il est pire que rustre, il est criminel d’infliger une blessure superflue à l’arbre qui nous nourrit ou nous ombrage. Les vieux arbres sont nos parents et les parents de nos parents, peut-être. Quand on désire apprendre les secrets de la Nature, il faut mettre en pratique davantage d’humanité que les autres. (23 octobre 1855, 333-334)
Thoreau décrit une bien surprenante relation aux êtres naturels comme s’ils étaient humains : il leur reconnaît un statut de personne, leur accorde du respect, dépassant ainsi l’opposition entre nature et culture.
Nature/culture
Dans son œuvre maîtresse, Par-delà nature et culture (2005), issue de l’observation de l’animisme des Indiens Achuars, l’anthropologue Philippe Descola a montré que ces populations vivent intégrées dans le monde de la forêt amazonienne, entourées d’animaux, de plantes et d’arbres auxquels elles sont liées comme avec les membres d’une famille : il leur reste le souvenir d’une époque mythique où ils parlaient la même langue et pouvaient s’entendre avec les animaux.
Baptiste Morizot, philosophe et éthologue à l’université d’Aix, suit dans la même lignée, évite de parler de « nature » qui, dans notre société est dévalorisée, exploitée, au point qu’elle est menacée par la surexploitation et l’épuisement ; il préfère le terme de « vivant » qui évite une opposition dénuée de sens. Ce changement de perspective prend ses distances vis-à-vis de l’anthropocentrisme traditionnel et adopte une conception biocentrique.
Dès le milieu du XIXe siècle, Thoreau récuse l’opposition nature/culture, et dans sa vie au bord du lac Walden ou dans les bois, il s’efforce de transgresser cette frontière artificielle. Il s’affranchit de la pensée dominante de son époque, celle du naturaliste de Harvard, Louis Agassiz, qui défend encore la conception religieuse, le créationnisme. En 1860, Thoreau lit L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle de Darwin, livre qui lui fournit une théorie pour relier ses observations récentes. Dans un petit ouvrage sur La succession des arbres en forêt (1860), il récuse la notion de génération spontanée et explique le rôle de la dissémination des graines. La terre n’a pas été créée une fois pour toutes, mais évolue constamment sous ses yeux. « Ce monde connaît un apport incessant de nouveautés […] » (W, 341).
Une terre vivante
À ce stade de sa réflexion, il lui importe d’affirmer que la terre est vivante. Dans la description d’un talus de neige et de boue qui fond au soleil de printemps, il s’enthousiasme pour ce spectacle qui suggère une création permanente :
« La terre n’est pas un simple fragment d’histoire morte, des strates s’empilant comme les feuilles d’un livre, pour que les géologues et les archéologues surtout l’étudient, mais une poésie vivante comme les feuilles d’un arbre qui précèdent les fleurs et les fruits, – non pas une terre fossile, mais une terre vivante […] » (W, 312).
Il reprend la réflexion dans son Journal :
« La terre sur laquelle je marche n’est pas une masse inerte, morte. Elle a un corps, un esprit ; elle est organique, souple […] » (31 décembre 1851)
Il observe un monde vivant, pénétré d’esprit, un monde que j’hésiterais à qualifier de panthéiste, car je ne sais pas vraiment ce qu’il entend par « esprit » — dynamisme, élan vital, robustesse, forces vitales … ? Il n’y a guère de religion chez Thoreau, même s’il est difficile de savoir exactement ce à quoi il croyait, sauf qu’il excluait catégoriquement l’allégeance à une religion institutionnelle.
Le sauvage
Cette terre vivante, son lieu de vie, est un monde vivifiant où il entre en contact avec le
« sauvage », l’esprit sauvage, autre concept fondamental de sa philosophie. Le mot « sauvage » est synonyme de « la vie » pour Thoreau :
« La vie s’accorde avec l’état sauvage, et ce qui est le plus vivant est le plus sauvage. Quand elle n’est pas encore asservie à l’homme, elle le rafraîchit de sa présence. » (Marcher, 50).
Thoreau préfère à la vie étriquée du village et de ses mondanités la vie sauvage, antidote au monde des affaires, du commerce et de l’argent. Elle est pour lui un refuge contre ce dont il souffre à Concord et elle est la raison majeure pour laquelle il s’est construit une maison en bois dans laquelle il a vécu près du lac Walden entre 1845 et 1847 : « J’aime en partie la Nature parce qu’elle n’est pas l’homme, mais un refuge loin de lui. » (3 janvier 1853, 186). « En partie » seulement, parce qu’elle a surtout pour lui une valeur très positive lui permettant de se nourrir « du fortifiant de la nature sauvage » (W, 326) et d’en être ainsi revigoré.
Les bois, les lacs et les rivières de sa commune n’étaient en rien sauvages à son époque. La Nouvelle-Angleterre avait été fréquentée pendant des siècles par des tribus indiennes, puis colonisée et cultivée par les colons européens au début du XVIIe siècle. Mais pour être compris de ses contemporains, il recourt à la version culturelle de la nature, « l’Ouest », une région où il n’est jamais allé, mais à laquelle il se réfère en la mythifiant. Cela reste son étalon pour inventer un autre mode de vie, une alternative émancipée de l’emprise économique, commerciale et financière des États-Unis au début de la Révolution industrielle. C’est une zone intermédiaire de contact qui lui permet d’accroître son savoir sur l’environnement non humain. Lorsqu’il se rend dans les forêts de l’État du Maine, sa vie se voit augmentée par les connaissances qu’il obtient d’Indiens dont il envie l’intégration dans la nature.
L’homme, partie intégrante de la nature
Car c’est bien la motivation principale de sa recherche d’une « vie naturelle », vécue au bord du lac Walden, mais aussi de son investigation méthodique de botaniste, qui font de lui un naturaliste amateur très averti. Au début de l’essai Marcher, initialement une conférence destinée aux villageois de Concord, il exprime clairement le désir d’intégration dans la nature : « Je souhaite considérer l’homme comme un habitant ou une partie intégrante de la nature plutôt que comme un membre de la société. » (Marcher, 19). Il en donne un autre exemple lorsqu’il parle de s’endormir au soleil sur le seuil de sa maison :
« J’ai poussé à cette époque comme le maïs croît dans la nuit […] C’était sans doute le comble de l’oisiveté aux yeux de mes concitoyens ; mais si les oiseaux et les fleurs m’avaient jugé selon leurs propres critères, je n’aurais certes pas été pris en défaut. […] » (W, 121-122).
Plus explicitement encore, « Qu’est donc l’homme, sinon une masse d’argile fondant ? » (W, 317) et lui-même, se demande-t-il, « Ne suis-je pas moi-même en partie feuilles et terreau végétal ? « (W, 148).
Ses longues promenades quotidiennes dans les environs de Concord visent à aérer son corps et son esprit, à le resourcer :
« Il faut que je sorte assez au grand air pour faire l’expérience de la saine réalité, afin d’équilibrer la pensée et le sentiment. La santé requiert cette détente, cette vie sans but. Cette vie au présent. On pense ce qu’on veut de la Nature entre quatre murs, elle sera toujours nouvelle à l’extérieur. Je vis en plein air pour le minéral, le végétal et l’animal qui est en moi. » (4 novembre 1852, 178).
En de nombreux textes, Thoreau ne se perçoit pas comme différent, extérieur, surplombant le milieu naturel qu’il fréquente ; il s’y sent implanté, enraciné. Il y est vraiment chez lui.
Le naturaliste observateur
Malgré sa volonté d’être intégré, de ne pas être en dehors, ni au-dessus ; Thoreau sent bien qu’il est distinct, éloigné par sa réflexion intellectuelle et sa recherche d’un savoir de naturaliste. Il s’efforce donc de retrouver ce qu’il a perdu en s’éloignant. Il note le rétablissement d’une forme de lien, alors qu’il pêche la nuit :
« […] je communiquais par de longues lignes en lin avec de mystérieux poissons nocturnes qui vivaient quarante pieds plus bas […] C’était très étrange (…) de sentir cette faible secousse, qui venait interrompre vos rêves et rétablir votre lien avec la nature. » (W, 185)
Pourtant, le désir de relation fusionnelle co-existe avec une éthique de l’attention systématique, indispensable à la construction de la vie qu’il élabore : « Aucune méthode ni aucune discipline ne remplace la nécessité d’être sans cesse en éveil. ». C’est ce qu’il nomme « cette injonction de toujours regarder ce qui se donne à voir. » (W, 121). Thoreau veut réapprendre à voir le monde, mais aussi l’enseigner aux villageois : reconfigurer l’attention de ceux qui travaillent les champs mais ne perçoivent pas ce que Thoreau s’applique à observer.
Ainsi, il se donne comme programme de tout connaître d’un biotope :
« Je désirais si possible connaître mes voisins, – m’approcher un peu d’eux. Je me suis bientôt mis à observer la date où les plantes fleurissaient et faisaient leurs feuilles, et j’ai poursuivi cette tâche de bonne heure le matin et tard le soir, loin et près de chez moi, plusieurs années de suite, courant de divers côtés de la commune et dans les communes voisines, parcourant souvent entre vingt et trente miles par jour. J’ai souvent rendu visite à une plante éloignée de quatre ou cinq miles, une demi-douzaine de fois en moins de quinze jours […] En même temps, je restais attentif aux oiseaux et à tout ce qui pouvait bien se présenter à moi. » (4 décembre 1856, 405)
« Tout », c’est-à-dire la « réalité fabuleuse » (W, 105) qu’il tente de découvrir, souvent en réponse à des questions qu’il se pose :
« Pourquoi seuls ces visions et ces bruits devraient-ils accompagner notre vie ? Pourquoi devrais-je entendre le gazouillis des merles, pourquoi sentir la moufette chaque année ? J’explorerais volontiers le lien mystérieux entre moi-même et ces choses. » (18 avril 1852 ; p. 131)
« Pourquoi précisément ces objets que nous contemplons font-ils un monde ? Pourquoi l’homme a-t-il justement ces espèces animales pour voisins ? » (W, 235).
Thoreau est en permanence à la recherche d’un sens à travers les faits de nature : c’est la récompense de son observation méthodique, découvrir, accroître son savoir, être ainsi mieux relié. « Quel bonheur dans la perception d’un fait nouveau de la nature ! » (19 avril 1852, 131)
Ses voisins animaux, des cohabitants
Thoreau parle souvent de voisins, de cohabitants, pour désigner ceux qui partagent son territoire : ces appellations marquent l’égalité de considération, le refus de la supériorité qui est au cœur de la pensée anthropocentrique. Ce qu’il note lors de son arrivée dans la maison de Walden :
« […] je me retrouvai soudain le voisin des oiseaux ; non que j’en aie emprisonné le moindre, mais parce que je m’étais moi-même mis en cage dans leur voisinage. » (W, 95).
Il recherche les situations qui lui donnent l’impression de comprendre ces animaux par l’empathie :
« Je suis prêt à partager les souffrances de chaque créature pour en faire l’expérience et en connaître les joies. Le bruant chanteur et l’éphémère bruant fauve n’ont-ils aucun message pour moi cette année ? » (31 mars 1852, 122)
Les deux mondes – apparemment séparés – semblent communiquer au moins imaginairement : les animaux sont « des bêtes de somme faites pour porter une part de nos pensées. » (W, 235), ou les incarnations des « pensées insatisfaites, sombres et crépusculaires, que nous avons tous. » (W, 135). Le passage de l’humanité à l’animalité lui paraît presque possible lorsqu’il entend son guide indien pousser des cris aigus pour s’adresser à un rat musqué qu’il voudrait faire s’approcher : « Il sembla soudain avoir délaissé complètement l’humanité et être passé du côté du rat musqué. » (The Maine Woods, 207). Un semblant de communication s’instaure.
Lors de diverses rencontres avec des animaux, Thoreau s’efforce de comprendre ce qui se passe dans leur tête, d’analyser leur faculté de prendre des décisions. Un jour, il réussit à bloquer le passage d’une marmotte, l’hypnotise en quelque sorte, puisqu’elle ne cherche plus à partir ; il s’assoit en face d’elle pour l’observer à loisir, lui soulève une patte avec un petit bâton afin de l’examiner, lui parle… Le long passage se termine par la conclusion suivante :
« Je la respecte comme l’un des habitants autochtones. […] Je crois qu’elle pourrait m’enseigner quelque sagesse. Ses ancêtres ont vécu ici depuis plus longtemps que les miens. Elle est mieux acclimatée et naturalisée que moi. » (16 avril 1852, 129-130).
C’est aussi ce qui se passe sur le lac Walden où Thoreau depuis sa barque tente de se rapprocher d’un huard qui plonge et de deviner où il réapparaîtra à la surface :
« Pendant qu’il concoctait une pensée dans son cerveau, je tâchais de deviner sa pensée dans le mien. C’était un jeu plaisant, joué à la surface lisse du lac, un homme contre un huard. » (W, 244).
Sympathie pour les plantes et les arbres
On a vu qu’il se donne le projet d’étudier à fond un marécage, de devenir « familier des plantes », « de connaître ses voisins » (4 décembre 1856). Il se singularise en s’intéressant à un marécage, lieu non exploitable, sans utilité ; mais il va plus loin dans une déclaration provocatrice dans laquelle il proclame que son monde est extensif et ne se réduit pas à ce que le village connaît et estime :
« Je sympathise peut-être davantage avec les mauvaises herbes qu’avec les récoltes qu’elles étouffent, car elles manifestent une belle vigueur. Elles sont la vraie récolte que la terre porte plus volontiers. » (24 juillet 1852, 163).
Cette attitude singulière est particulièrement marquée dans son attachement aux arbres, au pin blanc, par exemple, qui, dit-il, « semble l’emblème de ma vie ; il se dresse pour l’ouest, le monde sauvage. » (21 avril 1852, 133). Son esprit « est aussi immortel que moi et peut-être montera-t-il plus haut au ciel que moi, d’où il me dominera encore. » (MW, 122). Cette phrase hérétique sera censurée par le rédacteur en chef de la revue à qui Thoreau avait soumis un article rendant compte d’une excursion dans les forêts du Maine : l’idée qu’un arbre soit immortel, aille au paradis et domine un humain, n’était pas acceptable.
Thoreau va même jusqu’à exprimer de la sympathie pour de simples détails, des aiguilles de pin qui meublent sa solitude. Un jour de pluie où il était « sensible à la compagnie tendre et bienveillante de la Nature », il remarque que
« La moindre petite aiguille de pin s’allongeait et se dilatait de sympathie et d’amitié pour moi. J’ai pris si clairement conscience de la présence d’une chose qui m’était apparentée… » (W. 141-142).
En fait, tout le milieu naturel des environs de Concord lui est familier et lui donne l’impression qu’il est « apparenté », autrement dit qu’il est un vivant parmi d’autres vivants. Le paysage, les plantes, lui parlent — « le langage parlé sans métaphore par toutes choses et tous événements » (W. 121). Son corps aussi perçoit le monde par tous ses sens :
« Voilà bien une soirée délicieuse, quand le corps tout entier n’est plus qu’un sens et absorbe le plaisir par tous les pores de la peau ! Je vais et viens avec une étrange liberté dans la Nature, je me fonds en elle. […] je me sens étrangement à l’unisson de tous les éléments. » (W, 139)
Pour Thoreau, le monde est expressif et lui parle. « L’appel lugubre mais mélodieux d’une chouette effraie » représente pour lui « l’authentique lingua vernacula des bois de Walden » (W, 282).
Sa « sympathie intelligente », généreuse, totale, lui permet d’entendre ce langage. Il se retrouve comme dans la situation des autochtones animistes qui communiquent avec le milieu naturel. Alors que dans notre civilisation, la terre s’est tue1.
Par l’écriture, alors qu’il décrit avec précision la réalité du territoire des environs de Concord, Thoreau évoque le monde qu’il souhaite, un monde imaginaire, un monde « comme si… », avec lequel la communication est possible. Il s’ouvre ainsi à une écologie du vivant.
L’échec de la société écologique
Sa conception innovante n’a pas été reprise par une époque trop préoccupée de commerce, d’industrie et de développement des chemins de fer ; dans le même temps, elle a dû s’engager dans une guerre pour mettre un terme à la sécession du Sud esclavagiste. Trop peu connu de son temps, Thoreau exprimait des pensées hétérodoxes qu’il était impossible de mettre en œuvre : il n’a pu provoquer la création d’une société écologique2.
La préservation intégrale de la nature qu’il prônait, au moins dans de petites réserves communales, s’est heurtée à la conservation selon Gifford Pinchot3, l’utilisation rationnelle des ressources naturelles qui présentait l’avantage pour la société de ne pas soustraire une partie du territoire à l’exploitation économique. L’idée de Thoreau a cependant été reprise par le naturaliste John Muir4, actif dans le mouvement pour la création de parcs nationaux. Ces célèbres réserves de sites exceptionnels, plus ou moins protégées, ont néanmoins laissé le champ libre au capitalisme pour exploiter le reste du territoire.
Certes, Thoreau a su par son mode de vie simple au bord du lac Walden fournir un modèle de « vie naturelle » qui a séduit de nombreux adeptes : ils ont imité sa retraite, vécu un temps à l’écart. Actuellement, l’intérêt pour son œuvre pionnière est susceptible de conduire à l’écologie selon Baptiste Morizot5, celle du vivant et de ses alliances qui pourraient permettre de contribuer à faire face à la crise écologique.
Michel Granger
Œuvres de Thoreau citées :
Journal, sélection Michel Granger, trad. Brice Matthieussent, Le mot et le reste, 2014. La succession des arbres en forêt, trad. Nicole Mallet, Le mot et le reste (2007), 2019. Marcher, trad. Nicole Mallet, Le mot et le reste (2007), 2024.
The Maine Woods, Princeton University Press, 1972.
Walden, préface Jim Harrison, trad. Brice Matthieussent, Le mot et le reste (2010), 2023.
1 David Abram, Comment la terre s’est tue. Pour une écologie des sens, Les empêcheurs de penser en rond/ La Découverte, 2013.
2 Serge Audier, La société écologique et se ennemis. Pour une histoire alternative de l’émancipation, La Découverte, 2017., p. 158-164, 414-426.
3 Gifford Pinchot (1865-1946), forestier, devenu chef du Service des forêts des États-Unis.
4 John Muir (1838-1914), naturaliste, lecteur d’Emerson et de Thoreau, militant de la protection de la nature.
5 Baptiste Morizot, Raviver les braises du vivant. Un front commun, ActesSud/Wildproject, 2020.