Café philo Lourmarin, le mardi 10 septembre


La fin du monde est-elle pour demain ?

Le terme de « collapsologie » est à la mode. Le livre de Pablo Servigne et de Raphaël Stevens, paru en 2015,  « Comment tout peut s’effondrer » (sous-titré : « Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes ») a popularisé le concept d’effondrement de nos sociétés qui a fait l’objet de nombreux articles et reportages.
Peut-on réellement penser « la fin du monde » ? De même que l’être humain imagine difficilement sa propre mort, la société peut-elle imaginer sa propre disparition ? C’est à cet exercice que les collapsologues nous invitent, afin de mieux préparer le futur.
Afin d’introduire le débat du café philo du 10 septembre autour de ce thème, nous rassemblerons, dans un premier temps les signaux – de plus en plus forts- sur lesquels s’appuient les penseurs de l’effondrement dont nous examinerons les thèses dans un deuxième temps. Enfin, en guise de conclusion très provisoire, nous nous demanderons quels sont les pistes d’action pour éviter la fin de notre monde, sinon la fin du Monde.
L’idée d’une « fin du monde » est sans doute aussi ancienne que la civilisation (l’Apocalypse de Saint Jean, les mouvements millénaristes, la chute de l’Empire romain, Paul Valéry, plus près de nous, la grande peur de la Bombe,  le rapport du Club de Rome…) et exerce une fascination sur l’esprit humain.
Cependant, il est incontestable que des signaux inquiétants se multiplient depuis le dernier quart du XX° siècle, souvent liés entre eux et qui interagissent les uns sur les autres (« boucles de rétroaction »).
¾     Accélération du réchauffement climatique 
¾     Extinction rapide de nombreuses espèces
¾     Inquiétudes la question de l’énergie, en raison notamment du dépassement du  pic pétrolier
¾     Accroissement de l’empreinte écologique par consommation des ressources naturelles : terre cultivable, eau, forêt, poissons…
¾     Poursuite de l’explosion démographique
¾     Aggravation de l’instabilité et inégalités économiques

Que nous dit la collapsologie, « science » de l’effondrement ?
Le terme anglais « to collapse » vient de l’analyse stratégique militaire (2ème guerre mondiale, guerre du Vietnam). L’idée qu’une société peut s’effondrer est ancienne (La Chute de l’Empire romain) mais s’appuie souvent sur des convictions religieuses (le Jugement dernier). Les collapsologues sont le plus souvent des scientifiques et appuient leurs thèses sur de très nombreux rapports d’experts.
·         L’effondrement a mis fin à de nombreuses sociétés, comme le montre l’anthropologue américain Jared Diamond dans son ouvrage « Effondrement ».
Trois cas sont particulièrement intéressants, compte tenu des leçons qui peuvent en être tirées : l’ile de Pâques, l’empire Maya, les Vikings du Groenland. Ils montrent l’importance de l’exploitation des ressources naturelles dans la survie d’une collectivité, mais également des relations avec d’autres groupes humains et, surtout, du système de valeurs qui explique l’aveuglement dont ont pu faire preuve ces sociétés.
·         Pour les collapsologues, la synthèse des signaux négatifs évoqués en première partie débouche sur l’idée que l’effondrement :
¾     est inévitable, sauf à réussir une modification radicale de notre système de production et de consommation, à court terme, ce qui ne parait guère envisageable (rapport du GIEC)
¾     a déjà commencé, comme l’indiquent l’émergence de conflits (Yémen, Rwanda), la multiplication des catastrophes naturelles (Arctique, Amazonie, Bangladesh)
¾     peut conduire non seulement à la fin de notre monde, mais également à la fin de l’humanité (multiplication des conflits armés conduisant à une catastrophe nucléaire)
Ces thèses rencontrent parfois une adhésion mais le plus souvent de l’incrédulité, s’appuyant sur des arguments qui peuvent être résumés autour de deux thèmes :
¾     Ce n’est pas la première fois que l’on prédit la fin du monde
¾     L’ingéniosité humaine trouvera bien une solution

Peut-on encore éviter l’effondrement ?
·         La collapsologie ne se contente pas de prédire un effondrement, elle analyse également les multiples raisons qui empêchent une action efficace:
¾     La différence entre « savoir » et « croire » se traduit par une incapacité à envisager l’avenir malgré des analyses scientifiques très robustes
¾     Les conséquences de nos actes sur l’évolution de la planète sont lointaines et étalées dans le temps
¾     Pour le philosophe Gunther Anders la « spécularité des croyances et des comportements » conduit les individus à n’agir qu’en fonction des comportements des autres
¾     L’horizon des acteurs (entreprises, gouvernements) est trop court et leurs intérêts contradictoires avec un développement respectueux des ressources naturelles
¾     Le modèle de développement est construit sur un pacte de croissance entre riches et pauvres : réduction des inégalités grâce à l’augmentation du gâteau

·         Quelques pistes d’action sont également présentes dans la littérature de l’effondrement :
¾     Actions individuelles (trier ses déchets, économiser son énergie, modifier son mode de vie…) pouvant aller jusqu’au « survivalisme »
¾     Création de petites collectivités économes des ressources et autonomes
¾     Pression sur les entreprises (dénonciation, boycott, etc.)
¾     Choix politiques allant dans le sens d’un effondrement « maitrisé » plutôt que conflictuel (transition douce)