24/03/2015 HUMOUR ET BLASPHEME

Mardi 24 mars, 19h au café de l'Ormeau à Cabrières d'Aigues
 
Le rire est-il une arme à double tranchant ?
Par Pierre Koest, philosophe


 
L’ « Affaire Charlie »,  dans la brutalité du drame qui s’est joué le 7 janvier 2015,  a créé une onde de choc, que l’on pourrait croire étouffée par le brouhaha incessant de médias qui ne cessent de renouveler leurs «Unes », en disant au fond toujours la même chose : l’insignifiance de l’écume des jours. « Semper eadem, sed aliter[1] » disait Schopenhauer.

Cependant,  si les mêmes causes produisent les mêmes effets, il est à craindre que l’irruption du terrorisme dans notre quiétude quotidienne ne se reproduise bientôt. Sans prétendre donner de solutions à un problème géopolitique extrêmement complexe,  nous ne croyons pas  inutile de prendre les choses par le « petit bout de la lorgnette », c’est à dire  celui de l’humour, du rire, qui, lorsqu’il s’attaque au « sacré » se voit taxé de blasphématoire.

S’agit-il d’une même guerre, les belligérants jouent-ils selon la même règle du jeu, ou ne sont-ils pas victimes d’un jeu de dupe, parce que l’enjeu n’est pas le même pour les uns et pour les autres : d’une part , la défense de la liberté d’expression, considérée comme valeur « sacrée » de la laïcité et de la République, d’autre part, la défense d’un autre sacré, celui d’une foi que l’on estime, à tort ou à raison, être victime de blasphème.

D’où peut-être un tragique malentendu, savamment orchestré par tous ceux qui veulent faire de la piètre analyse de Hutington une réalité, celle d’un « choc des civilisations ». Nous nous interrogerons sur les points suivants :

1° L’humour, le rire, la caricature. Comment peuvent-ils devenir, aussi, une « arme » ? Que/ qui peuvent-ils attaquer ? Quel sens donner à cette lutte ? Notre « civilisation dite des Lumières » a-t-elle le monopole d’un rire qui renverrait ses victimes à l’obscurantisme ou même à la « barbarie » ?

2° Que sous-entend le (droit au) « blasphème » ? Doit-on penser un blasphème qui jouerait de la même façon pour toute religion, ou ne faut-il pas distinguer différents types de blasphème,  en fonction des religions, en particulier celles « du Livre » ?
Quel rôle joue ici le concept d’’image ? Quel but recherche le blasphème, quels enjeux ?

3° Est-il possible d’imaginer que le dialogue de sourds qui s’est établi entre les défenseurs de la laïcité et ceux d’une foi ou d’une culture religieuse puisse déboucher sur un véritable dialogue, qui ne s’exprimerait plus seulement par le bruit des armes ou par celui du rire, mais par l’usage d’une raison réciproquement ouverte à l’altérité, comme une certaine lecture de la laïcité pourrait le laisser espérer ?

Pierre Koest


[1] « Toujours les mêmes choses, mais autrement. »